PAGES ÉCRITES
Par : Laetitia Isambert et Nathalie Doummar - Piano : Yves Morin
Un loup traverse la chimère. Des mots arrivent sur le papier. Un crayon plus rapide que la douleur ouvre la page. Nul ne sait le lieu, l’heure. Ni où va le ciel, l’air, le temps. Toujours veille la lueur d’avance qui dénonce la nuit. Toujours le poète porte l’aile et l’envol. Toujours, aux mères inquiètes, la mer parle de large et de voyage avec une voix grave. Toujours la pierre lente montre des traces, des étapes. Toujours le clocher avertit. Un enfant chante, les arbres écrivent leurs feuilles, la saison s’appuie sur une autre saison. Toujours les déserts ordinaires cachent de l’eau et des jardins.
Ile Eniger - Extrait de : "Il n'y aura pas d'hiver sans tango" - Éditions Chemins de Plume
Texte extrait de "Du feu dans les herbes" Editions Chemins de Plume - Porté par la voix de Lelius et illustré par le premier mouvement du 'Concerto pour Violon' de Philipp Glass et des œuvres de différents artistes contemporains
Depuis ton départ vers je ne sais où, j'éprouve le gouffre de cette phrase : Je ne te verrai plus. Tu as tout emporté, les fleurs toutes saisons, la femme irradiante, les mas de terres pleines, les paysans puissants, les ports voilés de blanc, les coupes juteuses de fruits. Ta créativité ne jaillira plus sous ta main. L'absence n'a pas de main. Ni de chaleur. Ni de partage. Ton atelier n'existe plus. La maladie et la mort l'ont pillé. La foudre est tombée. Elle a crevassé le chemin solaire. Mais je veille, sans injonction, solution, direction. Du lever au coucher du soleil, je marche cet espace à remplir d'amour. Je vais de silences en gestes, et je recommence. Dans la déferlante des opinions, je ne crois qu'à la main tendue pour la vie, toutes les vies. Je suis à l'essentiel. Vieille terre refuge d'oiseaux, amandier sauvage sur l'hiver, dans la bienveillance des jours et nuits, je suis seule, debout, gardienne d'un amour invincible. C'est ma revanche sur l'Inacceptable.
Ile Eniger - L'ordinaire des anges (à paraître)
Certains jours portent le poids de tous. La
journée s’ouvre sur une lassitude inattendue.
Le bonheur s’éloigne de quelques coudées.
Pas vraiment enfui, simplement ailleurs. On
le croyait miraculeux, il n’était qu’humain.
La neige flétrie traîne en boue sa saison
finissante. Quelques oiseaux chantent, il faut
de l’énergie pour chanter. On mesure la
solitude à la fragilité du pas qui traverse la
première heure pour accueillir les autres. Des
grains de lumière accompagnent ce qui
égratigne, on devrait pouvoir dépasser
l’inquiétude comme l’églantine monte en
beauté au-dessus des épines.
Ile Eniger - Le raisin des ours -Éditions Chemins de Plume
L'inconsolé du jour traverse des heures lentes. Si je pleure ce n'est pas parce que je ne veux pas que tu sois là où tu es, c'est parce que tu manques là où je suis. Le reste va son train de mesure incomplète. Le gros de l'hiver penche sur le sommeil des plantes, des bêtes et des hommes. Ce n'est plus ma main qui saisit les mots, ils viennent à ma fenêtre, claquent du bec pour je comprenne. Que je comprenne quoi ?
Ile Eniger - L'ordinaire des anges - (à paraître)
Elle parcourt la nuit comme une, prise en faute. Elle a oublié les références, ne garde de la bibliothèque que quelques préférés. Derrière elle, l’éboulement des jours a fracassé les souvenirs. Elle ne se retourne pas. Loin du poids des choses, elle va. Au centre vit le feu, lent et juste, avec ce point de bleu pour la lumière froide dans la force des rouges. Et pour l’embrasement, il suffit d’une étincelle. D’un projet même d’étincelle.
Extrait du livre d'artistes "Elle" - Ile Eniger (textes) - Émile Bellet (peintures) - Éditions Chemins de Plume
"N'allez pas là où le chemin peut mener,
allez là où il n'y a pas de chemin
et laissez une trace"
Ralph Waldo Emerson
Pour utilisation des textes et articles merci de demander une autorisation
Pour voir les images en plus grand, cliquer sur l'article
Bandeau Pages écrites : Jardin au Québec - Photo Ile Eniger
Description Littérature : Jardin du Douzamont Le Thor - Photo Ile Eniger
À propos : Dessin Émile Bellet
"Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n'empêcheront pas le printemps"
Neruda