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20 septembre 2024 5 20 /09 /septembre /2024 12:49

Contrairement à une croyance qui rendrait la poésie dépendante de nos regards pour exister, je crois qu’elle n’a besoin de personne pour être.

Sa permanence, en amont et aval de toute chose, dépasse ce que l’on peut en penser ou en dire. Préexistante à la pensée et à l’acte, la poésie est un état, une source illimitée dans laquelle chacun peut puiser.

Écrire "joli" me semble un leurre pour s’attirer la faveur du lecteur, et se servir de ce trompe-l’œil pour plaire est une trahison de soi et de l’art poétique. Aucune manigance ne devrait entacher la création.
La poésie m’est source, non moyen, elle est, et je n’en suis que le rapporteur à travers un regard.
Il y a autant de facettes que d’auteurs, et plusieurs facettes par auteur, dans cette multitude, l’ouvrage poétique devrait consister à mêler absolu et matière sans subterfuge ni artefacts.

Écrire m’est un parcours solitaire engageant humilité, personnalité et travail.

La poésie est native, le poète n’en est que l’outil qui donne à voir. Funambule, je choisis ma hauteur, ma traversée, mon risque. C’est ainsi qu’à partir de l’omniprésence du concept poétique, mes textes animent un kaléidoscope infini appréhendé par mon individualité pour rendre compte de quelque chose qui lui préexiste. Quand je regarde une fleur d’amandier sous la neige, je sais que la poésie existe sans mots, mon regard et mon émotion en captent l’absolu bien avant ma réflexion et ma mise en texte.
René Char disait : "L’impossible nous ne l’atteignons pas, il nous sert de lanterne", si je remplace "impossible" par "poésie" (La poésie nous ne l’atteignons pas, elle nous sert de lanterne), la phrase illustre le sens de mon parcours poétique.
Ma démarche engage donc émotion, travail et rigueur, pour une œuvre que je souhaite au service de la poésie et non le contraire.
Je crois qu’un texte est fini quand il atteint le maximum de ce que je suis capable de lui demander et de lui donner. Ce n’est pas la perfection, puisqu’elle n’existe pas, mais c’est ma perfection du moment, le point culminant possible du texte et de son auteur. "La perfection n’existe pas, seul le chemin vers elle, existe", ai-je écrit dans un de mes recueils.
Et puis, le trait de génie n’étant jamais qu’accident et fulgurance (c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’appelle "trait"), la globalité du parcours d’écriture me paraît ne pouvoir faire l’économie du mélange inspiration/travail duquel va naître la "patte d’écriture" qui elle, se doit de chercher sans cesse le meilleur d’elle-même.

Je crois que l’écriture, comme tout art, devrait échapper, en première instance, aux jeux et enjeux des constructions mentales et intellectuelles. La poésie n’a besoin d’aucun embellissement car la lumière n’a pas besoin d’être illuminée ; mais on peut la révéler au moyen d’une identité. L’écriture est un vortex.
J’aime à penser que créer est une respiration à portée visionnaire se nourrissant d’une source infinie et élargissant l’incarnation de son auteur et celle de son lecteur.
Colette disait : "Il faut avec les mots de tout le monde, écrire comme personne".

Dans le collectif où il évolue, le poète est unique, c’est cette unicité qui doit ouvrir fenêtres sur.
Ile Eniger

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31 août 2024 6 31 /08 /août /2024 14:30

L’été provençal brunit ses écorces. Des poings de chaleur martèlent les volets clos. L'été bat son plein puissamment. Le silence des campagnes s’étourdit de charivari d'oiseaux, de crincrins de cigales, de courses de ruisseaux. Chats et hulottes sont gardiens des repos. Dès le matin, un soleil prévisible tire ses cartouches de ball-trap. Des heures de plâtre tombent des clochers. Une constante explose le mercure. L’asphalte suinte. Les sentiers poussièrent. Un feu de coquelicots attise les blés. Des rousseurs débordent les talus. La nuit, dans la géométrie des arbres, des frondes de lucioles éclairent un foisonnement plus fort que le fracas des hommes. L'exubérante saison saisit l’espace. Aucun grillage n'enclave la route des herbes. Au cœur de la chaleur, tout vient de loin. Tout va.

Ile Eniger - Le monastère de l'instant - Éditions Chemins de Plume

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12 août 2024 1 12 /08 /août /2024 15:47

Plus rien. Plus de mots, plus d'amis, plus d'en-vie, que la grande Absence de ceux aimés partis pour l'inconnu. Qui m'ont laissée seule dans ce jour après jour de questions, de survie. Au plus près du rien, tout se dérobe loin, expressions variées qui font illusion. Je suis l'enfant trahi par le conte, l'animal abandonné, la femme lasse, l'assiette vide, le blé sans espoir, l'homme debout qui ne sait plus pourquoi. Et sur la terre sèche, mon ombre traverse les heures où d'autres s'agitent quand je suis statufiée. Mes mots taiseux ne comprennent plus, ne luttent plus, ne rient plus, ne prient plus, ne s'élancent plus. Inutiles, ils s'interrogent sur le sens et la place.

 

Ile Eniger - L'ordinaire des anges - (à paraître)

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7 août 2024 3 07 /08 /août /2024 23:00

Dimanche est comme j'aime, à la messe des arbres. Une débauche d'odeurs épice les heures. Le paysan a posé sa gourde d'eau et son repas frugal sur le talus. Au seuil d'une porte ouverte, un chat s'applique à sa toilette. Des figues aux joues charnues et mauves engrangent le soleil. Demain arrive dans la trace d'hier et aujourd'hui s'emplit tranquillement, sans y penser. Des rires d'enfants rejoignent l'égoïne des cigales. Des pailles brûlées parlent encore des blés. L'entêtement des lavandes enivre les abeilles. La poussière des pierres fait soif dans la gorge des herbes. On ferme les volets au gros de la journée et les maisons respirent des moiteurs de sous-bois. Des courants d'air marient le sombre et la lumière. L'été bombe le torse, ses bras chargés de fruits. Les façades réverbèrent. Aucune rentrée des classes ne profile ses murs gris. Quelque chose de puissant dispense l'insouciance. Juillet vide ses poches, étale ses richesses, ce serait bien le diable si on n'y trouvait pas une pépite de joie.

Ile Eniger - Le monastère de l'instant - Éditions Chemins de Plume

 

 

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Bandeau Pages écrites : Photo Ile Eniger

Description Littérature : 1ère couverture "Terres de Provence" Ile Eniger - Illustrations Croquis Emile Bellet

À propos : Dessin Émile Bellet

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