Je me souviens… ça vient de loin, ça va plus vite que moi, ça sert à quoi ? Les jeux dans les feuilles aux sentiers terreux. Les heures tricotées en évitant les trous. Les promesses effacées des âmes maladroites. Les bonheurs donnés repris. Lilas, pivoines, amandiers et autres, en fleurs, en parfums, chaque année, pourquoi ? Les joies virevoltantes piquées à la fin sur la toile du jour. Les mystères d'eaux à la gorge du rossignol. Les pas, les traces, les souvenirs, ces passages dont on oublie le sens. Quelqu'un arrive, un autre part. Et tout le reste qui remplirait des pages de cahiers, des pages d'existences, des pages de peurs et d'espoirs, des abris de maisons, d'arbres, de chants. C'est quoi tout ça qui aime, meurt et recommence ? Et les mots qui s'entassent pour rassurer la nuit. Et le chat dont les yeux sont plus vastes, plus confiants que l'amour même. C'est quoi tout ça ? Je me souviens… et ça ne suffit pas.
Ile Eniger - L'ordinaire des anges - (à paraître)