Cet homme est époustouflant de clarté, d'intelligence et de bon sens !
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Cet homme est époustouflant de clarté, d'intelligence et de bon sens !
Je marche à coté de ma petite voix, je n'irai pas plus loin que mes chaussures.
Je marche à ma recherche, sans savoir si être homme aurait consisté à parler plus haut que les autres ; sans savoir si ma vie valait plus que celle de mes amis, que celle de mes contradicteurs, que celle de mon chat ou celle des tressaillements du silence où s'embusque la Question.
Un jour je partirai, à mon doigt l'anneau de croyance sertissant ma conscience et le diamant bleu de mes doutes aux mille voix contradictoires.
Chaque pensée, chaque brindille, sera à sa place dans la forêt près du grand arbre, près de la vieille maison et de la pierre abandonnée.
La révolte et la douleur des laissés pour compte, ne seront jamais la parure logique des statistiques. Le sang, les représailles, le malheur, se nourrissent toujours de frustrations et de rêves en berne.
Aux rendez-vous de la désespérance, chaque pierre dressée est la muraille d'un passé portant son chemin de raisons. La fleur et l’océan y meurent noyés au triomphe des famines ; les bébés de la soif aux ventres enflés y ferment des yeux démesurés.
Quand l'homme va sur Mars nourrir sa curiosité, les étoiles l’accusent.
La fleur et le rossignol le savent, ce n'est pas plus l'homme qui fait l'Histoire que l'Histoire qui fait les hommes.
Le vieil Iroquois et mon chat le savent, ce n'est pas la nuit qui endort les consciences, c'est le sommeil des consciences qui tue les vérités essentielles.
Sur mes routes intérieures, les mots respect, bienveillance, justice, amour, cherchent leur voie.
Dans le décompte des rires, sans couteau, sans doigt tendu, je n'accuse personne.
J'habite près de mon cri.
Où que j'aille, le renoncement flétrit les utopies de l'homme debout.
Sur les terroirs d’indifférences, le prédateur fait école, brade, troque sa conscience, reçoit des médailles dorées, oublie les gens de peu et les vies de rien, oublie que notre maison commune s'appelle la Terre.
Si un jour on me tuait, pour mes idées ou quelques haines millénaires, serais-je plus important qu'un battement d'aile, qu'une fleur, qu'un bébé orang-outang ? Irais-je plus loin que les ailleurs du Pourquoi et de la Question ?
Je partirai en paix, sans reproches, car tous auraient dû être mes frères.
Dans une rumeur de fleurs sèches, d'enfants sauvages, de quartiers où la tendresse s'est perdue loin de toute espérance dans la furie des porteurs de haine, je parcours la Question. C'est au mauvais terreau que le chiendent étanche sa soif.
Les temps viennent, ma nuit arrive, je n'irai pas plus loin que mes chaussures.
Où que j’aille, je serai sans haine.
Je resterai une âme debout parmi les fils des forêts de vie où l'espoir garde sa place, une feuille sous le vent, là où, encore, les enfants chantent les lendemains.
J’irai, ne renonçant à rien, il me faut vivre et dire ce à quoi je crois.
J'irai, la plume en arbalète combattre mot à mot les maux.
J'irai, recherchant l’harmonie, attendant que ma Mère la Terre reprenne ce qu'elle m'avait prêté.
Je marche, sa petite voix à mes côtés.
Jean-Michel Sananès
... On n’aime jamais trop. Peu importe la distance et l'environnement, l'osmose est possible. C'est la toute la beauté et la difficulté d'aimer.
../.. L’énergie de chaque plante me ramène à toi. Je ne suis jamais seul. Au centre de l’absence, il y a toujours ta présence. Je ne veux plus aller nulle part ailleurs qu’à toi. Mes jours ont l’odeur de tes mots.
../.. Nos mains se touchent au-delà des gestes. Notre âme s’agrandit jusqu’à l’éternité.
../.. Tu m’as fait croire à l’infini et il devient vivant.
Extraits de "Si belle" - Jean-Marc La Frenière
"Ils peuvent couper toutes les fleurs mais ils ne pourront pas arrêter le printemps"
Pablo Neruda
"Celui qui n'a pas le goût de l'absolu, se contente d'une médiocrité tranquille".
Paul Cézanne
Jamais une statue ne sera assez grande
Pour dépasser la cime du moindre peuplier
Et les arbres ont le cœur infiniment plus tendre
Que celui des hommes qui les ont plantés
Pour toucher la sagesse qui ne viendra jamais
Je changerai la sève du premier olivier
Contre mon sang impur d'être civilisé
Responsable anonyme de tout le sang versé
Fatigué, fatigué
Fatigué du mensonge et de la vérité
Que je croyais si belle, que je voulais aimer
Et qui est si cruelle que je m'y suis brûlé
Fatigué, fatigué
Fatigué d'habiter sur la planète Terre
Sur ce brin de poussière, sur ce caillou minable
Sur cette fausse étoile perdue dans l'univers
Berceau de la bêtise et royaume du mal
Où la plus évoluée parmi les créatures
A inventé la haine, le racisme et la guerre
Et le pouvoir maudit qui corrompt les plus purs
Et amène le sage à cracher sur son frère
Fatigué, fatigué
Fatigué de parler, fatigué de me taire
Quand on blesse un enfant, quand on viole sa mère
Quand la moitié du monde en assassine un tiers
Fatigué, fatigué
Fatigué de ces hommes qui ont tué les indiens
Massacré les baleines et bâillonné la vie
Exterminé les loups, mis des colliers aux chiens
Qui ont même réussi à pourrir la pluie
La liste est bien trop longue de tout ce qui m'écœure
Depuis l'horreur banale du moindre fait divers
Il n'y a plus assez de place dans mon cœur
Pour loger la révolte, le dégoût, la colère
Fatigué, fatigué
Fatigué d'espérer et fatigué de croire
À ces idées brandies comme des étendards
Et pour lesquelles tant d'hommes ont connu l'abattoir
Fatigué, fatigué
Je voudrais être un arbre, boire à l'eau des orages
Pour nourrir la terre, être ami des oiseaux
Et puis avoir la tête si haut dans les nuages
Pour qu'aucun homme ne puisse y planter un drapeau
Je voudrais être un arbre et plonger mes racines
Au cœur de cette terre que j'aime tellement
Et que ce putain d'homme chaque jour assassine
Je voudrais le silence enfin et puis le vent
Fatigué, fatigué
Fatigué de haïr et fatigué d'aimer
Surtout ne plus rien dire, ne plus jamais crier
Fatigué des discours, des paroles sacrées
Fatigué, fatigué
Fatigué de sourire, fatigué de pleurer
Fatigué de chercher quelques traces d'amour
Dans l'océan de boue où sombre la pensée
Fatigué, fatigué.
Fatigué ( Renaud Sechan / Franck Langolff ) - 1985
Tout être blessé est contraint à la métamorphose.
Boris Cyrulnik
Dans les oreilles de l’homme qui a faim, le bruit d’une fourchette déchire les tympans. Un grain de riz dans sa tête a le poids d’une montagne. Dans l’homme aveugle aux autres hommes, le néant prend les yeux de la haine. Pour l’homme qui va vite, plus vite que le voyage, la vie n’est qu’une salle d’attente. Sans épines à sa tige, la rose n’a plus d’âme. Sans tendresse à donner, les hommes ne sont rien, à peine un sang perdu au bord d’une blessure, un bouquet de mots fané sur l’humus des choses. Quand je parle d’espoir, c’est une image de la liberté. S’il faut qu’il y ait un sens quelque part, que ce soit le plus fou. Avec le temps, les journées s’accourcissent et les pas s’alentissent. Lorsque les mots s’apportent à moi, je les accueille comme je peux. Je m’intègre peu à peu aux pas d’un écureuil, à l’envol d’un courlis, aux méandres d’un ruisseau, à la course d’un ver sous l’ogive des racines, à l’arc-en-ciel des fleurs, aux tournesols dodelinant de la tête. Mon œil se promène d’une mésange à l’autre. Leur chant gratouille mes tympans. Les enfants nés dans le mirage du bruit, je voudrais leur apprendre le miracle du fruit.
Je ne veux pas mourir dans une prison de rues, dans les coulisses du malheur, par absence de révolte. Je n’ai pas besoin d’une voiture pour traverser la vie, d’une âme de comptable. À calculer ses sous, on ne vit pas, on tue. Les animaux vaincus nous regardent en pleurant. La victoire des choses ne les fait pas sourire. On renverse le cœur sans retrouver son âme. Je suis quelques-uns à me tenir la main, un ancien vivant, un mort, un nouveau-né. Je marche chaque mot. Je mords chaque silence comme un pain de fortune. On avance toujours dans ce qu’on ne sait pas. La roue que l’on entend grincer, c’est l’homme traînant son âme dans la brouette du corps, le petit train des jours qui a perdu ses rails, le vent entre les mains, les cils battant comme des ailes, ce fil de temps vécu reliant les humains, un instant de rencontre où naissent les étoiles. Les mains, ce sont d’étranges fleurs au bout d’étranges tiges. Je viens y recueillir le pollen des gestes, le miel des caresses. Sur le coteau d’en face, les pieds dans l’eau de neige, un grand sapin frissonne comme un sac plein d’épines. Un geai bleu fait la roue dans sa maison d’aiguilles. Chaque tristesse cache un miracle possible.
Chassés par l’homme, les anges veillent la nuit au fond des dépotoirs. Sans message à livrer, les ailes à moitié mortes, ils picorent parmi les immondices, qui un brin de folie, qui un reste d’amour, qui un quignon de paix. Ils planent quelque fois au-dessus des berceaux à la recherche d’une âme. Qui a dit que les hommes d’état ne s’entendaient pas. Ils s’entendent tous pour rabaisser les hommes. Une même hypocrisie sculpte la langue de bois. Sur le corps du désir, n’arrivant pas à se toucher, les mains folles battent l’air au bout de bras trop courts. La solitude a engendré les dieux. Ces derniers en ont fait un troupeau. Je préfère la pluie où chaque goutte est unique. Tout se tient. Il y a comme une entente, un échange perpétuel entre l’écorce et la pierre, la résine et le poil, le végétal, le minéral, l’animal. Les choses ne vivent pas séparément. Elles sont toutes en une. Le visuel passe à l’auditif. L’eau chante quand elle coule. Les feuilles bruissent. Les mouvements de l’herbe donnent au vent sa couleur. Lorsque les arbres dansent, toute la forêt murmure. Mille colibris se taisent dans le bruit du tonnerre. La pluie tombe sur ses pattes comme un chat. Le ciel a pris la couleur de l’eau. Les oiseaux ont l’air de remuer des rames. Les flaques sur le sol ont la forme d’un bol. Quelques mésanges y boivent un nuage de lait. Les arbres travaillent ensemble à contredire le vent. Le matin montre à peine son nez. Il attend que se déroule une échelle de soleil, que s’ouvre dans le bruit une largeur de silence. Si la vie suffisait, il n’y aurait pas de livres. Les rides du visage sont comme les lignes d’un cahier.
Loin du jargon économiste, des lapalissades de la psychologie, des jérémiades à l’eau de rose, je pisse de l’encre comme une seiche. Je fume comme l’aube quand le soleil se lève sur les russules roses et l’asphalte mouillée. Il m’arrive de glisser dans une autre dimension. Un mot qui manque dans une phrase peut en être l’accès, une virgule mal placée, une syllabe en trop, un paragraphe ouvert et qui ne ferme plus, un sens qui m’échappe, une image qui fuit. J’en sors liquéfié comme le sang d’une blessure. Les pas de l’encre sur la page ne se lisent qu’en braille. Il y a lieu alors de s’interroger sur la pertinence de la mémoire, cette main aux doigts boudinés de rhumatismes et d’archétypes, ce doigt blessé triturant le réel. Il suffit de quelques pas pour revenir au point de départ. On ne distingue plus le plancher du plafond. J’y croise des paysans têtus, fermés comme une pierre, qui haïssent les arbres. Ils les nanisent ou les abattent. Si le s se confond avec le m, les autres lettres gardent leur dignité mais ne veulent plus rien dire. Le genou gauche d’une phrase refuse de plier mais son coude s’évase pour happer la lumière. La plupart du temps, j’écris à la sauvette, entre deux cris d’oiseau, d’un pas sur le papier ou d’un geste à la main, d’un doigt de confiture sur le pain noir des jours. J’écris comme une herbe se dresse, comme tombe la pluie, comme un noyau de prune. J’écris avec des mots en forme de mie de pain, avec des mots touillant la sauce des images, les assiettes ébréchées, le bol des métaphores. Je redeviens l’enfant, tombeur de pluie, rêveur de pommes, coloriste de l’ombre, l’oiseau pur du délire évadé de sa cage. Mes images galopent du geste à la parole, de la rétine au cerveau, du dictionnaire au cœur. Il nous faut bien remplir le vide, donner à l’ombre un semblant de visage. Je parle d’homme à homme, en homme simplement.
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L'âne si doux J’aime l’âne si doux
Francis Jammes (De l'Angélus de l'Aube à l'Angélus du Soir - 1898) |
"N'allez pas là où le chemin peut mener,
allez là où il n'y a pas de chemin
et laissez une trace"
Ralph Waldo Emerson
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"Écrire c'est aimer sans la peur épuisante d'être abandonné"
René Frégni
Bandeau : Extrait photo Ile E.
A propos : Ile Eniger - Dessin Emile Bellet